La nouvelle naissance des pères



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Mise en ligne par paohidalgo

Voici la première page de ma première contribution avec AlterNatives asbl, parue dans le magazine « Parents » de juillet 2008. Le texte intégral le voici (impossible de trouver le lien dans leur site):

La nouvelle naissance des pères

Papa coach. Papa masseur. Papa haptonome. Papa assistant de sage-femme (sage-homme ?). Papa faisant bouillir de l’eau. Papa distribuant des cigares dans la salle d’attente. Papa tombant dans les pommes… Il y a mille et une façons de réagir, en tant que papa, à la naissance de son enfant. A chaque homme à naître en tant que père selon ses envies, avec son bagage, suivant le projet de naissance qu’il aura construit avec sa compagne et en improvisant avec l’inconnu que comporte toute naissance.

Depuis quelques décennies, les pères se posent davantage des questions sur leur rôle durant la grossesse, la naissance et l’éducation que leurs prédécesseurs. Ils peuvent difficilement s’en référer au vécu des générations précédentes, les rapports de genre étant dramatiquement différentes et en constante mutation.

Ils prennent part à des événements jusqu’alors purement féminins et leurs compagnes intègrent massivement des domaines anciennement réservés aux hommes. Comment s’y retrouver ?

Un peu d’histoire
Je ne vous propose pas de remonter à l’Antiquité pour cet exercice. Après tout, nous fêtons les quarante ans d’un certain mois de mai qui aurait chassé la figure du pater familias à tout jamais.

Mais, qu’est-ce qui a changé en quarante ans ? La généralisation de l’accès à des moyens contraceptifs fiables a permis, d’une part, que les femmes accèdent définitivement et durablement au monde du travail et, d’autre part, que le bébé devient de plus en plus un « projet » du couple.

Parallèlement à cette profonde remise en question de la figure paternelle « patriarcale » et classique, le monde de la naissance connaît, lui aussi, des transformations. Dans un contexte de médicalisation accrue de l’accouchement, les médecins tentent de proposer des techniques efficaces pour aider à soulager la douleur. Les méthodes Lamaze, Leboyer, Bradley et autres font leur apparition. Elles prônent le rôle actif du père dans le processus.

Puis, aux années ’70, la péridurale fait son entrée triomphale en salle d’accouchement. L’usage de l’anesthésie permet aux femmes de garder une attitude « coopérative » avec l’équipe médicale. En effet, le père a intégré l’espace physique où se passe la naissance au moment même où la mère est de plus en plus soumise à l’autorité médicale et aux impératifs sécuritaires et déshumanisants qu’elle peut entraîner.

Actuellement, les pères sont intégrés quasi systématiquement aux examens prénataux, aux échographies, aux séances de préparation de l’accouchement… La présence active du père lors de la naissance semble être une obligation. Y a-t-il une place pour les papas qui préféreraient avoir un rôle plus discret ?

Le projet de naissance : entre besoins physiologiques et imaginaire personnel

Le projet de naissance du couple va, en grande partie, définir la place que papa prendra lors de l’arrivée du bébé. Cela peut se faire à deux, dans un premier temps, mais ultérieurement, il est nécessaire de se concerter avec la sage-femme, le gynécologue ou tout autre professionnel impliqué dans le processus. Il est aussi primordial que les parents soient au fait des besoins physiologiques de la parturiente car la naissance est certes une aventure du couple, mais c’est le corps de la mère qui vit des changements puissants, intenses mais fragiles aussi.

Respect de l’intimité, chaleur, lumières tamisées, silence et peu d’interactions verbales restent les maîtres mots en ce qui concerne le respect de la physiologie d’un accouchement. Le rôle de papa sera, en grande partie, de veiller, dans la mesure du possible, à que ces besoins soient satisfaits. N’oublions pas que notre culture encourage l’action, le « faire » et ce surtout chez les hommes. Comment concilier ces besoins du futur père -culturellement construits, mais pas pour autant moins importants- avec ceux de la future mère, plutôt axés vers l’« être », le lâcher-prise ?

Il est donc important que papa ait la possibilité d’exprimer et d’imaginer comment il envisage de faire respecter ces besoins dans le contexte qu’ils auront choisi pour la naissance, car les actes qu’il posera le jour « J », seront probablement liés à ce qu’il aura imaginé qu’on attend de lui et à ce qu’il va considérer comme étant nécessaire au bon déroulement de l’accouchement.

De même, les besoins de la parturiente ne seront pas observés de la même manière lors d’un accouchement à la maternité, en maison de naissance ou à domicile. D’une manière générale, plus le cadre est médicalisé, plus la future maman aura besoin d’une figure sécurisante, familière, intime et chaleureuse.

Ce besoin de chaleur humaine fait que de plus en plus de maternités proposent des salles d’accouchement « nature ». Mais ce n’est pas le cas pour toutes, malheureusement. Dans le cas où ce cadre sécurisant et intimiste fait défaut, la présence, la voix ou simplement le contact physique ou visuel avec son compagnon seront précieux à la parturiente. Combien de témoignages nous présentent des pères qui se découvrent des talents inconnus de masseur, afin de soulager les contractions de leurs compagnes ! Le toucher bienveillant, qu’il soit tendre ou vigoureux, peut créer une véritable connexion entre les futurs parents, permettant de joindre le besoin d’action de l’un à la nécessité de soulager la douleur chez l’autre.

Au contraire, dans un contexte plus « familier », comme dans une maison de naissance ou à domicile, papa sera probablement mobilisé par certaines tâches logistiques comme aider à préparer le matériel, remplir une baignoire, etc. Ces contextes, laissant une plus grande place à l’autonomie du couple et aux ressources de la future maman, permettent plus de liberté quant aux initiatives. Ainsi, dans un cadre où les parents peuvent donner libre cours à leurs instincts et à leurs envies, le rôle de papa peut aller de soutenir physiquement sa compagne, en l’aidant à adopter certaines positions, à rester relativement éloigné, peut être même dans une autre pièce, afin de respecter le besoin de calme et de lâcher-prise de la femme qui accouche. L’image du père qui fait bouillir de l’eau et qui fait les cent pas dans la cuisine n’est pas très loin. Pourquoi pas, après tout, si sa femme ressent le besoin de se couper du monde pour puiser en elle-même les ressources pour donner naissance à leur enfant.

Les préparations à l’accouchement : un bon moyen d’anticiper
C’est en choisissant parmi ces différentes préparations que le couple pourra tester les possibilités qui s’offrent à eux.

Il se peut que maman ne jure que par l’haptonomie, mais que papa ne soit pas à l’aise avec ce type de toucher. Il n’est pas raisonnable, alors, d’espérer de papa une implication physique le jour de la naissance. Par contre, une voix calme ou tout simplement une présence posée peuvent aider la future maman à se construire sa « bulle », cet espace intérieur, si nécessaire pour que son corps puisse trouver les ressources pour enfanter.

Si, au contraire, la personnalité du futur papa fait qu’il a besoin d’être dans l’action, le couple va peut être devoir envisager des stratégies qui permettent au papa de faire quelque chose sans toutefois gêner le travail de maman ni du personnel de la maternité. Le chant pré-natal, le massage ou toute autre action qui lui permet d’ainsi s’impliquer sans toutefois interférer avec le travail d’intériorisation de la maman pourraient être des bonnes pistes.

Cependant, aucune préparation ne permet d’anticiper l’inconnu et la naissance est aussi faite de ça ! Alors, futur papa, projette, imagine, prépare et improvise ! Chaque homme naît en tant que père à sa façon, mais il est aussi un peu l’enfant de l’instant.

One response to this post.

  1. Posted by ecohumanist on 28 juillet, 2008 at 10:29

    au fait, cette version est un peu plus longue que la version publiée… histoire de format!

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